#Interview. La caricaturiste Coco (Charlie Hebdo, Libé) en conférence à Uzès

La dessinatrice de presse Coco (Charlie Hebdo*, Libération, Arte) participe, vendredi 17 septembre à 19 heures, à une rencontre organisée par les Amis de la Librairie de la Place aux herbes, à Uzès.

Corinne Rey, dite Coco est une dessinatrice de presse, scénariste et dessinatrice de bandes dessinées française.

Cette rencontre aura lieu à l’Ombrière d’Uzès. Inscription obligatoire : www.lombriere.fr Lors de cette conférence animée par le journaliste Vincent Nouzille, il sera notamment question du métier de dessinateur de presse et de ses conditions d’exercice.

En mars 2021, Coco sort sa première bande dessinée, « Dessiner encore » publiée aux éditions les Arènes où elle raconte sa vie depuis l’attentat à Charlie Hebdo de janvier 2015. En amont de la conférence Le Club a pu échanger avec Coco.

Dans une tribune paru dans le JDD, que vous avez cosignée, vous rappelez à Emmanuel Macron sa promesse de créer une Maison du dessin de presse et du dessin satirique. En quoi la création de cette maison est-elle importante ?
Il s’agit premièrement de rappeler son engagement à Emmanuel Macron. Cette maison, quelque part, doit rappeler qu’il existe un droit au blasphème et que l’histoire de la presse est aussi fondée sur la possibilité de caricaturer le pouvoir. Il s’agit de réaffirmer cette valeur fondamentale et d’y ajouter également de la pédagogie. Le dessin de presse, c’est un langage et une lecture. Et cela s’apprend.

Le métier de dessinateur de presse est un métier en crise dans un secteur en crise…
C’est en effet le cas. Il y a de moins en moins de dessins dans les journaux alors que beaucoup de dessins circulent sur les réseaux sociaux. L’arrêt, en 2019, de la publication de caricatures dans l’édition internationale du New York Times (suite à la publication d’une caricature jugée antisémite par certains, ndlr) a marqué les esprits. On ne doit pas se laisser déstabiliser. Depuis 2015, des convictions chez moi se sont sans doute renforcées sur le droit de rire de toutes les religions et de combattre des idéologies telles que l’islamisme.

Dans votre BD autobiographique Dessiner encore vous utilisez différentes techniques notamment à base d’eau. Pourquoi ?
Les eaux permettent d’exprimer comme une légère distance, celle du temps et du souvenir de l’attentat de Charlie Hebdo. A l’inverse, avec l’encre de Chine que j’utilise également, on est dans le présent.

Pourquoi avoir écrit ce livre ?
C’était à la fois une nécessité mémorielle et un moyen d’aller de l’avant. Cela parle de pourquoi l’on vit. Pourquoi on se bat et pourquoi il faut être libre.

Vous êtes caricaturiste, mais dans votre livre, vous ne vous épargnez pas sur le plan physique ?

Je me suis rendue moins réaliste que les autres personnes représentées, c’est vrai. Pour dessiner ce livre j’avais besoin de mettre une distance. Me rendre réaliste aurait eu trop d’effet miroir… Or, émotionnellement, je m’implique déjà assez. Me caricaturer, c’est aussi le jeu.

Dans Dessiner encore, il y a une photo du premier dessin que Cabu a dessiné pour vous sur une page économique du Figaro. Vous sembliez très intimidée par lui…
J’étais tellement timide ! J’avais tort de l’être car il était très bienveillant. Je venais de lui montrer une caricature de Christine Lagarde (actuelle présidente la Banque centrale européenne et ministre de l’Economie à l’époque de ce dessin, ndlr). C’était un très bon pédagogue en faisant ce dessin pour moi, il me dit de toujours commencer par les yeux. J’ai gardé ce conseil… Si vous regarder cette caricature de près, vous pourrez remarquer qu’il y a une marque de gras. C’est la trace d’une boule de Patafix car, à Charlie, elle était collée devant moi, à mon bureau. J’ai aussi un portrait de Jean-Marie Le Pen dessiné par Cabu que j’ai depuis fait encadrer. Ce sont des documents précieux.

Depuis avril dernier, vous travaillez aussi pour Libération, comment avez-vous pris la suite de Willem ?
On me l’a demandé. C’était au moment de l’après-procès des attentats de Charlie Hebdo et l’Hyper Casher. Je n’ai pas vraiment calculé même s’il y avait tout de même un risque professionnel. Je suis à Charlie depuis des années, j’y suis toujours, mais je me suis dis.. pourquoi pas ! Sur le plan de l’organisation, à Charlie, comme à Libé, je me fais une revue de presse de façon autonome. Puis, dans les réunions de rédaction, nous évoquons aussi d’autres sujets. Après, je cherche, je griffonne. A Libé, j’ai fait le choix de conserver le cadre de Willem, tout comme le noir & blanc. Je travaille à l’échelle, sinon ça serait du dessin pour myope ! A Charlie, c’est différent car les formats ne sont pas les mêmes. Je collabore aussi à l’émission 28 Minutes sur Arte (du lundi au vendredi à 20h05), c’est un dessin différent assez vif. Pour Charlie, la devise reste la même, je suis toujours à la recherche du “coup de poing dans la gueule”.

*Menacée par les terroristes en armes, Coco a été contrainte de composer le code d’entrée de Charlie Hebdo le 7 janvier 2015. Frédéric Boisseau, Franck Brinsolaro, Cabu, Elsa Cayat, Charb, Honoré, Bernard Maris, Ahmed Merabet, Mustapha Ourrad, Michel Renaud, Tignous et Wolinski ont trouvé la mort dans cet attentat.