Comment mieux aborder le suicide dans les médias ?

L’équipe du programme national Papageno a donné ce lundi dans les locaux d’Objectif Gard à l’invitation du Club une formation sur le traitement médiatique du suicide. Un enjeu de taille, tant le traitement médiatique peut avoir une influence sur les personnes suicidaires, en bien ou en mal.

Constituée des Drs Pierre Grandgenèvre et Charly Crespe, psychiatres aux CHU de Lille et Montpellier, ainsi que de Nathalie Pauwels, déléguée de la Fédération régionale de la recherche en psychiatrie, l’équipe du programme Papageno est venue avec un message simple à destination des médias : « Il ne faut pas avoir peur de parler du suicide, mais le tout est de savoir comment on en parle. »

Car l’influence des médias en la matière est scientifiquement démontrée. Ainsi, l’effet Werther, évoqué lors du procès France Telécom, est largement documenté. « Un certain type de traitement médiatique du suicide est susceptible d’entraîner une contagion chez les personnes vulnérables », explique Nathalie Pauwels. Ainsi, le traitement du suicide de Marilyn Monroe en 1962 a provoqué une hausse de 12,5 % du taux de suicide dans les semaines qui ont suivi aux États-Unis, et cet effet a été depuis régulièrement observé.

Face à l’effet Werther, la recherche a mis en évidence l’effet Papageno. Il s’agit de l’exact inverse : en arrêtant le traitement sensationnaliste du suicide et en favorisant la prévention, les médias ont un rôle vertueux à jouer. L’équipe du programme Papageno, qui sillonne les écoles de journalisme et les Clubs de la presse de France, relaie un certain nombre de recommandations synthétisées dans un document.

Ainsi, pour éviter l’effet Werther, il est recommandé d’éviter la mise en évidence et la répétition excessive d’articles traitant du suicide. Dans la même veine, il est préconisé d’éviter tout registre de langage susceptible de sensationnaliser, de normaliser ou de présenter le suicide comme une solution. Ainsi, préférer « il a mis fin à ses jours » à « il s’est donné la mort », par exemple. Il est également recommandé de ne pas décrire explicitement la méthode utilisée, qui peut faire effet de « mode d’emploi » pour les personnes vulnérables, idem pour le lieu.

Pour, au contraire, promouvoir l’effet Papageno, il est recommandé d’indiquer dans l’article où trouver de l’aide, de sensibiliser à la prévention du suicide ou encore de reproduire des témoignages sur la façon de gérer les crises suicidaires et sur comment obtenir de l’aide. Il est également préconisé de faire preuve d’une attention particulière quand le suicide concerne une célébrité, principe d’identification oblige.

Quelques recommandations simples, mais efficaces : « l’effet Papageno peut être plus fort que l’effet Werther », affirme le Dr Grandgenèvre.

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Quelques chiffres :

En 2015, selon les derniers chiffres disponibles, 747 personnes résidant en Occitanie se sont suicidées, et environ 5 300 ont été hospitalisées pour tentative de suicide. Au niveau national, 8 885 personnes se sont suicidées en 2015, et 200 000 tentatives ont été recensées, « mais nous pensons que ces chiffres sont sous-estimés de 10 % », estime le Dr Grandgenèvre. Il s’agit de la deuxième cause de mortalité chez les 15-25 ans et de la première chez les 25-34 ans.

Th.A, photo Claude Corbier